Le pic de Nérassol 2633 m - 15 et 16 février 2020

On entend, ici ou là, la même complainte : “y’a pas de neige” !  Alors, on reprend les activités d’été… Le retour d’Est qui a envahi l’Est de la chaîne il y a quelque temps a laissé des quantités considérables de neige en altitude. Bien sûr, les températures douces de ces dernières semaines ont porté un rude coup à l’enneigement dans les vallées et en moyenne montagne. Mais en altitude ? Le paradis blanc !

Il suffit d’aller la chercher, la neige ! Direction le pic de Nérassol.

Certes, on oublie la « poudreuse » en ce moment et pour monter au sommet, nous pouvons nous permettre de laisser les raquettes, le détecteur de victimes d’avalanche (DVA), la pelle et la sonde à Montauban. Les crampons et le piolet suffiront sur la neige dure dans les pentes raides. Les sacs seront moins lourds avec seulement le matériel nécessaire pour passer la nuit à la cabane de Brougnic.

Installés en plein soleil pour le casse croûte de midi sur la table en bois du parking du village de l’Hospitalet-près-l’Andorre (1450 m), nous regardons avec crainte un groupe d’une dizaine de randonneurs qui traverse la RN 20 pour emprunter le sentier en face qui dessert les vallées qui mènent au Nérassol. Mince ! S’ils ont choisi pour passer la nuit la même cabane que nous, il va falloir se serrer…Un peu plus tard, nous suivons nous aussi le sentier parfaitement tracé qui s’élève rapidement au dessus de la route. Il serpente dans la forêt autour d’une conduite forcée puis s’enfonce dans un bois de noisetiers et de bouleaux. Sans échauffement et sur la digestion nous sentons bien l’effort à fournir. En quelques lacets nous sortons des arbres et retrouvons le groupe installé pour une pause. Non, ils n’ont pas pour projet de passer la nuit en montagne. Nous sommes rassurés !

Après avoir traversé les jasses de Pouzole et de Planet du Roux, le sentier, seulement parsemé de plaques de neige ou de glace, nous mène au barrage du val d’Arques 1980 m.

Nous longeons ce petit lac gelé, artificiel, par un sentier qui le surplombe. A partir de là, l’hiver commence, la neige est bien présente, ramollie par la chaleur presque étouffante du milieu d’après midi. Non ! Je n’exagère pas ! Les tee-shirts sont de sortie ! Après 2 heures de grimpette, nous découvrons à l’écart du chemin, la cabane de Brougnic 2060 m qui sera notre havre de paix pour la soirée. Visiblement cela fait un moment qu’elle n’a pas reçu de visiteurs car elle est entourée d’un champ de neige vierge.

Rustique mais propre avec simplement une petite table, quelques étagères et une chaise, elle peut accueillir cinq personnes pour la nuit sur son bat flanc en bois. Nous étalons nos matelas, duvets, et repérons les clous plantés dans la charpente qui serviront à mettre nos sacs hors de portée des rongeurs qui parait-il œuvrent à l’année dans ce lieu. Puis les hommes partent à la recherche de bois, une denrée rare dans ce fond de vallée. Heureusement quelques vieux bois de rhododendron bien secs vont faire l’affaire une fois sciés.

Pour le plaisir de contempler une flambée, le feu est allumé dans la petite cheminée bien avant la tombée de la nuit ! Pour le plaisir de déguster un délicieux vin de noix, les verres se remplissent bien avant l’heure de l’apéro ! Les conversations vont bon train, le temps s’écoule sans que nous y prêtions attention. Débarrassés de toute contrainte, nous éprouvons alors le sentiment de flotter dans le temps. Comme l’a écrit Sylvain Tesson « le bivouac est une belle échappée. On y boit sans entrave et aucune oreille n’entend vos conversations. Le bivouac est un luxe !»

Nous nous endormons au son du feu qui crépite dans l’âtre. La nuit alors que nous nous attendons à entendre les rongeurs œuvrer dans la pièce, ce sont de puissantes bourrasques qui se déchainent. Et depuis l’intérieur de notre nid douillet nous écoutons les tôles qui vibrent avec fracas. L’ambiance devient fantastique !

Au petit matin, les rafales s’enchaînent encore mais le ciel est clair. Nous repartons les lampes frontales allumées et les crampons aux pieds car la couche blanche qui couvre le sol a bien durci. Elle brille légèrement sous le halo de lune. Au lever du jour, dans les lueurs d’une aube rose, nous avons déjà bien progressé.

La belle Porteille du Sisca 2440 m, qu’il faudra franchir, s’offre maintenant à notre regard, suspendue entre le pic Régalecio d’un côté et le pic Nérassol de l’autre. La neige est ferme et portante ce qui facilite notre montée régulière mais franche. Nous apprécions ce vallon qui nous met à l’abri du vent.

De ce promontoire la vue s’ouvre alors sur l’étang du Sisca et le cirque majestueux qui l’entoure. Pour se rendre au sommet il faut suivre une crête sans difficulté mais qui demande quand même de l’attention car elle domine une belle pente. Nous sortons le piolet et avec prudence nous commençons l’ascension. La première éminence à 2594 m est la plus exposée, la plus esthétique aussi.

Ce sommet secondaire nous laisse croire que le sommet est là mais il ne fait que cacher celui-ci. La cime n’est guère loin cette fois. Nous posons les crampons sur le pic de Nérassol (2633m) avec plaisir. La vue est suffisamment dégagée et nous pouvons admirer à loisir tout le parcours, les proches sommets du cirque du Sisca, le col de Puymorens à nos pieds mais aussi au-delà les sommets de la Haute Ariège et le plus lointain massif de Saint Barthélemy à peine blanchi.

Les rafales sont soutenues. Le vent n’a que faire de notre modeste réussite et nous pousse à nous mettre à l’abri un peu plus bas pour grignoter. Nous poursuivons la descente sur le fil de la crête et regagnons la Porteille du Sisca.

Nous reprenons nos traces du matin pour retrouver la cabane et profitons de cette belle lumière qui met particulièrement en valeur ce vallon superbe et sauvage, aux courbes douces.

Voilà encore une sortie réussie qui nous aura rechargé en énergie vitale grâce à tous ces moments exceptionnels !

Toutes les photos ici.